Mai
26
26 Mai 2020
Larry
Depuis des années, nous nous plaignons de l'état pathétique de la recherche scientifique sur le BDSM, un des parents pauvres des recherches sur la sexualité (elles-mêmes souvent de mauvaise qualité).
Une grande partie des études sont faites par des étudiant-e-s pour leur thèse de fin d'étude, avec tous les problèmes de manque de moyen et de recul que vous imaginez... L'arrivée des romans « 50 nuances de Grey » a doublé la quantité de documents disponibles, mais pas leur qualité (au contraire !).
Le manque de sérieux de la majorité des études que nous avons lues est effrayant. Surtout celles qui sont dans le cadre psychanalyse et psychiatrie : tous les mythes, les préjugés, les stéréotypes, les idées fausses, y passent, c'est consternant. Et les introductions au BDSM, quelle misère ! Sans compter les documents inaccessibles si on n'est pas un chercheur ou une chercheuse, ce qui renforce la difficulté...
Nous venons de trouver une étude transversale (de 2019) qui est très intéressante. Elle utilise une grande partie de la littérature scientifique (un bien grand mot, pas toujours mérité, honnêtement) pour construire une description du BDSM d'un point de vue psychosocial.
Cette étude (en anglais) est plutôt correcte, et est un excellent résumé de l'état des connaissances -générales- sur le BDSM.
Si vous voulez une introduction, avec des
chiffres
, à la connaissance « scientifique » actuelle du BDSM, nous vous conseillons fortement sa lecture ! Nous pensons que c'est -de loin- la meilleure présentation de haut niveau sur le sujet. En plus, elle est assez récente (2019).
➜ Elle fera lieu d'un article sur notre site dans un futur que nous espérons proche...
Au fait, ne vous laissez pas impressionner par le titre abscons : le document est très lisible, et ne tombe pas dans l'abus de jargon que nous voyons passer parfois...
Référence :
Bondage-Discipline, Dominance-Submission and Sadomasochism (BDSM) From an Integrative Biopsychosocial Perspective: A Systematic Review
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6525106
De Neef N, Coppens V, Huys W, Morrens M. Bondage-Discipline, Dominance-Submission and Sadomasochism (BDSM) From an Integrative Biopsychosocial Perspective: A Systematic Review. Sex Med. 2019;7(2):129‐144. doi:10.1016/j.esxm.2019.02.002
Bien entendu, cette étude souffre d'une limitation évidente : étant basée sur des études existantes, elle hérite évidemment des limites/problèmes de celles-ci...
Voici leur avertissement à ce sujet :
Strengths and Limitations
The limitations of the current review reflect those of the topical scientific literature. Although the number of studies focused on all aspects of BDSM is exponentially growing, most of these are only descriptive, and very few focus on underlying driving processes.
Là ou vous réaliserez à quel point le problème est aigu, est quand vous verrez le nombre d'études utilisées...
La citation ci-dessous présente leur processus de sélection d'études (le gras est ajouté par nous) :
The Pubmed database search initially generated 1,593 records. Cross-referencing further led to inclusion of 9 additional articles and book chapters. Preliminary screening of titles and abstracts resulted in 98 remaining articles to be read in full. 10 articles were found irrelevant for the current review (studies including forensic patients, opinion articles, articles related to non-BDSM sexuality), resulting in a final selection of 87 articles to be included.
Vous avez bien lu ! Au final, 87 articles seulement ont été conservés.
Après ça, qu'on ne vienne pas nous dire que le BDSM n'est pas un domaine d'études pathétique comparé à à peu près n'importe quel autre !
Mai
20
20 Mai 2020
Larry
Voilà maintenant plus de 3 ans que nous avons créé notre site sur le BDSM.
En 3 ans, nous avons eu le temps de lire beaucoup de documents, de commentaires sur les forums et autres. Comme nous l'avons déjà écrit à plusieurs reprises, le niveau des études est généralement faible, et ce sont des écrits produits par des pros ! Les articles et commentaires sont le plus souvent bourrés de problèmes, de préjugés et même parfois d'erreur flagrantes.
Un type de document en particulier a attiré notre attention : les introductions au BDSM.
Nous avons trouvé des études qui commencent par une présentation du BDSM qui est tout à fait correcte, même si parfois on y trouve des raccourcis malheureux. Mais d'autres (que nous ne citerons pas, LOL) contiennent de sérieux délires dès le départ. Bon, nous pouvons le pardonner (dans ue certaine mesure) quand le document est écrit par des gens qui n'utilisent le BDSM que comme support ou illustration, pas comme sujet d'étude.
Par contre, la très grande majorité des articles d'introduction au BDSM que nous avons trouvés ont de sérieux problèmes. La plupart ont de bonnes intentions, bien sûr. Certains sont des articles visiblement écrits « rapido » par des journalistes en mal de copie (typiquement pour des magazines féminins ou masculins), le niveau s'en ressent évidemment mais nous n'espérions pas de miracle, ce ne sont pas des références. Le plus inquiétant, et problématique, est quand ces écrits sont présentés comme sérieux, comme écrits par des gens ayant des connaissance sur le sujet ou au moins en sexualité. Nous avons ainsi trouvé des textes écrits par des étudiant-e-s en sexologie qui contenaient des -grosses- erreurs, c'est embarrassant : eux n'ont pas les excuses des journalistes dont ce n'est pas le métier...
➜ Nous nous posons la question : est-ce que tous ces textes qui veulent présenter le BDSM au grand public, le démythifier, ne sont pas, au final, plus toxiques que bénéfiques ?
L'avantage -relatif- de ces articles est la propagation de nombreux articles aide à renforcer l'idée que le BDSM n'est pas si marginal, et n'est pas une maladie mentale.
Mais, la propagation de mythes, stéréotypes, préjugés et parfois d'erreurs est un problème sérieux. Comment peut-on distinguer le vrai du faux si on débute ?
Le pire est évidemment quand on parle de documents ayant une « aura » (les encyclopédies ou Wikipedia). Le cas de Wikipedia français est particulièrement critique : les articles en français présentent une vision totalement bizarre et biaisée du BDSM, rien à voir avec la réalité, c'est surprenant. Mais si vous ne connaissez pas déjà le BDSM, comment pourrez-vous détecter le problème ? Après tout, il n'y a pas de référence reconnue sur laquelle se rabattre...
Nous tendons à penser que ces articles font, généralement, plus de mal que de bien.
Avr
17
17 Avril 2020
Larry
Pour notre site sur le BDSM, nous lisons beaucoup de documents : des articles et commentaires sur internet, des études scientifiques (notamment de sexologie, sociologie, et autres psy-XYZ), voire des livres.
Malheureusement, beaucoup de textes sont difficiles d'accès, certains sont presque impossibles à trouver (surtout s'ils sont un peu vieux, pas numérisés et plus publiés).
Mais le plus gros problème est quand des études qui concernent le BDSM nous sont inaccessibles.
Un exemple
Voici le dernier exemple que nous avons trouvé et qui illustre parfaitement le problème.
Peut-on contractualiser la barbarie ? (De Bremaeker)
https://www.persee.fr/issue/juro_0990-1027_2017_num_30_2
Il s'agit d'un texte qui discute d'un sujet très important du point de vue légal : le problème du SM (sadomasochisme) vis-à-vis de la loi.
Accès restreint !
Malheureusement, ce texte, récent, et qui existe -apparemment- en version électronique, nous est inaccessible car il a été intentionnellement marqué comme « accès interdit ».
Voici ce qu'on trouve sur le site de publication :
En raison d'une interdiction de diffusion de la ressource consultée, le contenu de cette page peut être partiellement ou totalement masqué.
Autrement dit, pour nous, le seul moyen de le consulter serait d'aller consulter la version papier du journal dans lequel cet article est paru. Et vous imaginez bien qu'il ne s'agit pas ici d'un journal national, mais d'une publication spécialisée publiée à peu d'exemplaires.
Même trouver le résumé a été difficile, car il ne figure pas sur la plupart des sites regroupant des études !
Résumé
Si le sadomasochisme est aujourd’hui une pratique connue, a priori insusceptible de répression pénale, l’auteur entend démontrer que la personne humaine, en tant que sujet volontaire et autonome ne jouit pas pour autant d’une liberté absolue dès lors qu’il s’agit de contractualiser des agissements, qui, même s’ils sont consentis, sont porteurs d’un risque tangible d’atteinte à l ’intégrité physique ou morale d’autrui.
Le problème du texte
Vous avez certainement constaté, comme nous, que le titre et le résumé de ce texte sont provocateurs et contiennent clairement des jugements de valeur (que nous estimons déplacés).
Parler de « barbarie » en parlant du SM est tellement biaisé et clairement manipulateur, et si éloigné de la réalité : nous jugeons que c'est honteux d'écrire des choses pareilles !
Mais, comme nous venons de l'expliquer, il ne nous est même pas possible de consulter l'article.
Pourtant, ce serait important pour contrer les arguments fallacieux que nous le soupçonnons de contenir (vu le titre/résumé)...
Le soucis additionnel de ce type de texte est qu'il fait partie des écrits qui peuvent être utilisés par d'autres personnes, que ce soit des chercheurs/chercheuses ou même dans le contexte de procès (comme références).
Quête de vérité
Pendant nos recherches, nous avons trouvé de nombreux textes toxiques, qui contiennent des jugements de valeurs déplacés (dans ce qui est supposé être une « étude scientifique »), des stéréotypes, mythes et préjugés (et stupidités diverses) en pagaille !
En fait, sur le sujet du BDSM en particulier, la qualité est vraiment basse, et même catastrophique (sans aucune exagération). Honnêteté intellectuelle, objectivité, esprit critique, et même simple bon sens, passent à la trappe, c'est étonnant ! Si vous lisiez certains des textes que nous avons consultés, vous seriez surpris-e du degré de « WTF? » contenu dans ces « choses ».
Et pourtant, ces documents qui sont clairement remplis d'informations biaisées, erronées et fantaisistes, sont utilisés ensuite comme références dans d'autres études !
➜ Comment est-ce admissible ?
Si en plus, l'accès à ces textes tendancieux ou fallacieux est restreinte, nous n'avons pas de moyens de vérifier ce qui est vrai ou faux ! Quand une étude référence des dizaines d'autres textes, il est déjà très difficile de vérifier ceux-ci, même pour les professionnel-le-s, et presque impossible pour des amateurs ou amatrices.
Par conséquent, il nous est difficile, voire impossible, d'accèder à ces sources pour déterminer lesquelles sont sérieuses ou non, et du coup, il nous est impossible de juger le sérieux du document qui y fait référence...
Et ne sous-estimez pas ce problème : dans un grand nombre (presque tous en fait) de documents, les citations ou références à des écrits extérieurs, sont présentés comme vrais, non discutables, bref, des évidences. Pourtant, nous pouvons vous affirmer que nombre de ces références (accessibles, elles) sont totalement BIDONS.
Comment l'étude du BDSM peut-elle progresser si des informations qui sont clairement fausses, sont utilisées comme base de raisonnement ?
Injustice
Ce problème d'accès, difficile ou impossible pour le commun des mortels est très problématique.
En effet, un tel système réserve le partage d'info et les réflexions à une minorité, alors que les conclusions peuvent avoir un LOURD IMPACT sur les gens qui pratiquent le BDSM.
Au mieux, vous aurez accès (dans un autre document) à un résumé très simplifié -évidemment- et forcément peu nuancé, qui ne vous laisse aucune marge de réflexion, et aucune possibilité de débat.
Payants
Même quand les documents ne sont pas inaccessibles, ils sont le plus souvent cachés derrière un obstacle majeur : pour y accèder il faut payer ou avoir un abonnement payant. Et des abonnements, il y en a autant que de maisons de publications ! Quand au prix : il est inabordable pour un particulier. Les abonnements sont pensés pour des institutions, et le prix individuel des textes est du style 40 euros par document.
Imaginez payer 40 euros (parfois plus) pour accèder à un seul texte allant de quelques pages à quelques dizaines de pages.
Si nous regardons les textes en accès libre (gratuit), nous en avons récupéré des centaines (sur divers sujets, le BDSM en constitue une petite minorité). Faites le calcul si vous avions dû acheter chacun d'entre eux !
L'inconnue
Et ce n'est pas le seul problème !
En effet, avant d'acheter un accès, vous ne pouvez lire que le résumé, et celui-ci ne dit souvent que peu de choses. Il ne permet -évidemment- pas de juger du sérieux de la publication, du niveau technique du texte (abordable ou non à des non spécialistes ?), et même souvent, le contenu est très décevant et pas du tout ce que vous espériez. Pour vous donner une idée, sur les centaines de documents accessibles que nous avons récupérés, nous comptons à quelques dizaines ceux qui sont un minimum intéressants, et sur les doigts des mains ceux qui sont utilisables pour des articles de notre site...
Versions imprimées
Quand à la solution d'aller consulter les versions imprimées dans une bibliothèque...
D'abord, il y a les problèmes d'accès. Nous nous sommes renseignés, car nous voulions consulter un vieux texte souvent référencé dans les études sur la sexualité (dont le BDSM), à la BnF (Bibliothèque nationale de France). Si on est un particulier (ce qui est le cas de l'auteur), il faut obtenir un RDV et justifier la raison pour laquelle on veut accèder à un document... Bonjour l'élitisme !
Ensuite, imaginez devoir accèder à chaque document physiquement uniquement : comment faire des commentaires, notes, citer des extraits, etc. ? Il va falloir tout copier à la main ! Vous n'avez aucun mal à comprendre la lourdeur du processus... C'est déjà assez pénible avec des documents électroniques qui permettent le copier/coller ainsi que les surlignages et autres.
Conclusion
Comme vous venez de le voir, nous sommes confrontés à un vrai problème.
Et qui ne semble pas près de devoir être résolu !
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